Dans le monde du travail, nous avons souvent tendance - à tort - à confondre activité et succès. Pratiquement tout le monde a un emploi du temps chargé, la culture de l'entreprise valorise la suractivité. Cette agitation mène tout droit au stress, au Burn out et fait baisser de la productivité. L'activité à tout prix n'est pas une vertu , il est grand temps que toutes les organisations ou entreprises cessent de lui vouer un culte.

Alors, la solution? 

- ne pas évaluer les salariés sur leur nombre d'heures mais sur leur production,

- imposer des congés payés,

- montrer l'exemple en se désengageant de cette culture de l'activité,

- introduire davantage de latitude dans l'emploi du temps.

La culture de la suractivité : quand effort rime avec valeur

Cette agitation permanente ou cette suractivité est érigée sous forme de dogme dans l'entreprise. L'affairement est devenu un symbole de statut.

Le psychologue américain Adam Waytz le résume bien dans son ouvrage “Méfiez-vous de la culture de l'activité à tout prix” : on a tendance à penser que ceux qui déploient des efforts considérables sont moralement admirables quel que soit leur rendement réel.  

 

Adam Waytz, psychologue et professeur de management raconte dans son livre “the power of human", une anecdote qui relate bien ce phénomène : un homme immigre aux Etats-Unis et croît à son arrivée que le mot “débordé” signifie “bien car lorsqu'il demandait à des personnes comment ils allaient, celles-ci lui répondait : “débordée” ! 

Les longues journées de travail ne sont pas forcément source de performance.

Emplois du temps saturés

Des recherches universitaires concluent que nos journées sont de plus en plus saturées et que nous sommes constamment en suractivité.

80% des employés américains disent “n'avoir jamais assez de temps”, selon une analyse de données effectuée par Ashley Whillans de la Harvard Business School. 

Corrélation faible entre nombre d'heure et efficacité

Le chercheur américain Alex Soojung-Kim Pang a conclu à la suite de plusieurs études que la croyance selon laquelle plus on passe d'heures au bureau, plus on abat de travail est fausse. Selon ses études, en effet, il y a une très faible corrélation entre temps passé à travailler et résultat obtenu. Citons quelques exemples pour corroborer ces études : le romancier Charles Dickens et le naturaliste Charles Darwin n'auraient tous les deux travaillé que quatre heures par jour ! Ne pas bien sûr conclure de façon hâtive que toutes nos journées de travail acharné et de suractivité sont forcément improductives ! 

Récompenser au temps de travail n'est pas productif

Évaluer les salariés sur le nombre d'heures est une très mauvaise façon d'identifier les talents productifs. Les résultats d'études nous montrent pourtant que les entreprises qui utilisent le temps passé à travailler pour récompenser et qui surveillent les activités des salariés ont une efficacité et productivité qui chute. A force de suractivité, l'épuisement des salariés peut mener à un turnover important, ou un absentéisme important et une baisse de leur résultats. 

Sortir de cette culture de la suractivité à tout prix

Il est largement temps que nous sortions de cette spirale négative et que de façon collective nous prenions conscience que l'activité n'est pas la réussite ! Trop d'entreprises récompensent encore et promeuvent les salariés qui montrent qui “travaillent dur”.

La pandémie a modifié le décor avec le télétravail. Les salariés, peu importe leur rang hiérarchique, étaient tous à la même enseigne et  leur rapport au travail a changé . Des concepts comme “la démission silencieuse” ont commencé à apparaître : phénomène qui voit les employés refuser de faire davantage que les tâches et les heures qui leur incombent.

Les solutions pour éviter le culte de la suractivité ?

Récompenser le rendement et pas seulement l'activité 

Idéalement, les salariés doivent être rémunérés à la fois sur leurs efforts et sur leur rendement. En effet, être payé que sur le nombre d'heures peut mener à un épuisement du salarié et une inefficacité. A contrario, n'être payé que sur le rendement peut entraver l'innovation qui elle nécessite parfois des heures “non rentables”. 

Générer du “deepwork”

Le “deepwork”, c'est l'attention prolongée accordée à des tâches exigeantes sur le plan cognitif : création de documents, rédiger un article, résumer des documents… L'entreprise doit faire en sorte d'encourager ce deepwork, ce travail studieux, de réflexion en limitant les tâches peu productives : réunions non essentielles, saisies de données, comptes-rendus…

Il peut être intéressant d'identifier les tâches superficielles pour les remplacer par des tâches plus efficaces ou les supprimer.  Ainsi certaines entreprises ont amélioré leur efficacité en adoptant une politique de “non réunion”.

Les neurosciences nous enseignent que faire plusieurs choses en même temps réduit la productivité de 40% : le cerveau met du temps à passer d'une chose à l'autre et ne peut passer en “deepwork”. 

Imposer les congés payés

Des études montrent aux Etats-Unis que la plupart des salariés n'épuise pas leur congés payés, qu'une importante majorité vérifient leurs e-mails durant leur temps libre.

Beaucoup d'entreprises ont compris que forcer les congés payés est avantageux. Ces initiatives nous montrent que ces entreprises sont sensibles au bien-être de leur salariés plus qu'à leur nombre d'heures. 

Les recherches des neurosciences vont dans ce sens : si nous voulons que les salariés s'épanouissent vraiment, donnons à leur esprit le temps de divaguer.

Montrer l'exemple

C'est la base de tout management. Les leaders audacieux ne sont pas ceux qui travaillent tard le soir mais ceux qui fixent la norme en prenant des pauses. Un PDG qui prend des pauses, prends des longs congés, est aussi un PDG qui prouve que la réussite n'est pas obligatoirement synonyme de suractivité ! 

Accorder de la flexibilité dans les emplois du temps

Seth Godin, entrepreneur américain et ancien responsable marketing Yahoo, affirme que “les systèmes qui ont de la latitude sont les plus résilients. En quoi consiste cette flexibilité? 

Elle peut être mise en place grâce à ses mesures :  

  • abondance des ressources : temps, espaces, argent, personnes, équipement,
  • réallocation des ressources existantes : transformation d'un palais des congrès en hôpital en temps de covid,
  • marges de manœuvre pour dévier les procédures standard lorsque la situation l'exige,
  • redondance humaine : deux salariés qui savent faire la même tâche.

Toutes les preuves sont là, claires, parlantes : confondre activité et réussite est préjudiciable pour l'entreprise. Cette affirmation commence à se savoir mais peu d'entreprises prennent le virage avec les décisions qui vont dans ce sens. Évidemment il est plus aisé de suivre la tendance du culte de la suractivité plutôt que de réformer. Érigeons nous contre cette épidémie de fièvre de l'activité, soyons efficaces plutôt que travailleurs !